Interview des Présidents de la Commission Spécialisée Organisation des Soins et de la Commission Médico-social

Lors de la journée régionale de la CRSA, Jean-Baptiste Caillard, Président de la Commission Spécialisée Organisation des Soins, et Jean Sellier, Président de la Commission Spécialisée Médico-Social, ont été interviewés sur le vécu de leurs mandats à la CRSA. Au cours de ces échanges, ils sont revenus sur leurs motivations, leurs parcours, les évolutions observées, la place des commissions durant la crise sanitaire, et leurs conseils pour les prochains élus.

Quel a été votre parcours avant d’intégrer la CRSA ?

JB. Caillard : Je suis d’abord professionnel de santé libéral, cardiologue. Par ce biais, je suis investi depuis 20 ans dans notre union professionnelle, d’abord l’URML et maintenant l’URPS médecin dont je suis le Président. En tant que professionnel de santé, je suis aussi investi dans un syndicat de cardiologues, de médecins, et au sein de mon établissement comme administrateur depuis un certain temps.

J. Sellier : J’ai été éducateur spécialisé, puis directeur d’établissement durant 15 ans, et actuellement je suis directeur général de l’association ADAPEI 49. L’association est adhérente à NEXEM, qui est notre fédération d’employeur, et c’est à ce titre que j’ai été désigné pour candidater au sein de la CRSA.

Comment avez-vous connu la CRSA, et qu’est-ce qui vous a motivé à y prendre part ? Qu’est-ce qui vous a motivé à vous présenter pour un mandat ?

J-B. Caillard : En tant que président de l’Union des médecins, j’ai été amené de manière naturelle a m’intéresser à la CRSA, puisque c’était le lieu où il y avait la possibilité que les médecins libéraux soient représentés. En tant que président, il était important que j’y sois pour faire le lien à la fois avec l’ARS, et aussi avec tous les acteurs du territoire.

J. Sellier : J’ai connu la CRSA par le biais du réseau, de la veille juridique. Quand la loi Hôpital Patient Santé Territoire a été votée en 2009, nos interlocuteurs ont changé : c’est l’ARS qui est devenue notre interlocuteur et notre financeur, en faisant le lien avec l’Assurance Maladie. L’arrivée de l’ARS a eu un impact sur nos activités professionnelles. On s’est intéressé tout de suite à « qu’est-ce que l’ARS », et on a vu qu’il y avait des instances de démocratie sanitaire. On a considéré qu’il fallait les investir, puisqu’on avait là l’opportunité de faire entendre un certain nombre de nos propos. Ce qui m’a motivé, ce sont les enjeux stratégiques. On doit en tant que représentant des associations gestionnaires occuper le terrain et être présents au sein de ces instances.

Quelles étaient vos premières fonctions au sein de la CRSA, puis lors de votre mandat ?

J-B. Caillard : J’ai été vice-président d’emblée de la CSOS puis maintenant président, depuis quatre ans. Ce qui était important pour moi c’était d’être à l’écoute à la fois de tous les membres de la CSOS, et de faire entendre la voix professionnelle. Demander à chaque participant d’apporter sa pierre à la démocratie, que tout le monde puisse s’exprimer. Ce n’est pas toujours facile puisqu’il y a des niveaux d’information et des niveaux de connaissance qui sont différents. C’est quand même assez complexe en matière d’offre et d’organisation des soins. Et puis il y a des niveaux aussi différents en matière d’investissement.

J. Sellier : J’ai candidaté pour intégrer la commission médico-sociale, puisque c’est mon cœur de métier.

Comment se sont déroulé pour vous les premiers mois/années? (vécu, contexte légal, temps forts, apprentissages/difficultés…)

J-B. Caillard : Il y a toujours un peu de formation sur le fonctionnement du système. Pour moi ce n’était pas très difficile en tant qu’ancien dans la profession de voir où étaient les points à construire, à partager… Tout ça c’est fait assez simplement. Je n’ai fait qu’un seul mandat, et je ne sais pas si j’en ferais un deuxième, puisque ça dépend de mon mandat à l’URML qui est en renouvellement aussi.

J. Sellier : Je ne dirais pas des apprentissages, comme je suis rentré comme simple membre il y a 10 ans, puis comme vice-président, j’étais en seconde ligne. Je me suis appuyé sur les acteurs déjà en place. Quand j’ai pris les fonctions de président il y a 7 ans, je connaissais la commission, j’avais intégré les débats. Ça n’a pas été une découverte comme quand on prend un nouvel emploi un lundi matin, j’avais été rodé par 3-4 ans de découverte de la CRSA. Et puis dans un domaine que je connais, mais il y a une culture générale dans le champ de la santé à avoir, à développer.

Quelles évolutions avez-vous perçues ces dernières années dans le mode de travail, l’organisation, au sein de votre commission CSMS ou CSOS ?

J-B. Caillard : Ce qui a changé, c’est qu’on est de plus en plus à se préoccuper des acteurs. Pour la gestion de la dernière évolution du Projet Régional de Santé, on a plus fait appel à eux, la concertation a été plus large. On va avoir besoin d’être de plus en plus investis, avec des groupes de travail, d’être le plus proche possible du terrain et des besoins de la population.

J. Sellier : Ce qui m’a marqué c’est l’acculturation des responsables de l’ARS. Je me rappelle dans les premiers temps avoir eu affaire à des fonctionnaires qui avaient du mal à appréhender ce qui se passait sur le terrain. Il y avait un côté très dogmatique, involontaire, mais hors-sol. Ce que j’ai apprécié, et aussi les autres membres, c’est qu’à force de débats, on a assoupli les visions. On est passé d’un moment où il y avait, me semble-t’il, un relatif déni des besoins, à une reconnaissance des besoins, sans être en mesure d’apporter le financement, mais ça c’est un autre sujet, c’est à nous de faire pression au niveau national. Il ne faut pas se tromper de débat, ce n’est pas l’ARS qui a le porte-monnaie en soi. C’est une des grosses avancées. Mais aussi parce que l’ARS est là, à l’écoute au sein des commissions. Les commissions contribuent aux feuilles de route de l’ARS, et par ce biais indirectement aux actions de l’ARS. On est très en amont, et ça c’est quelque chose qui a beaucoup bougé. Mon seul regret c’est la difficulté du temps.

Quels enseignements tirez-vous de la place de votre commission pendant la crise sanitaire ?

J-B. Caillard : Durant la crise sanitaire la Commission s’est réuni en visio. Les travaux ont continué comme avant. On devait donner notre avis régulièrement, ne serait-ce que de manière réglementaire. Je pense que c’est arrivé au bon moment, en fin de mandature, parce qu’on se connaissait suffisamment pour qu’en visio ça se passe bien. Il y a une certaine communauté qui se met en place dans notre commission et à la CRSA, ça permet d’aplanir les choses. Ça a impacté aussi certaines réflexions qu’on a pu avoir et avis qu’on a pu donner, ça a été déterminant dans l’organisation des soins.

J. Sellier : On ne peut pas dire que la commission ait été mobilisée durant la crise sanitaire. Il y a eu énormément de décisions prises, en un temps très rapide, au jour le jour, et on a squeezé un peu les instances de démocratie sanitaire, notamment les deux premiers mois. Ce serait à refaire, je pense qu’il faudrait intégrer les usagers autrement.

Quels sont les points/thématiques, que vous souhaiteriez voir se développer au sein de la CSMS ou de la CSOS  ?

J. Sellier : Je dirais qu’il y a un fil conducteur depuis plusieurs années, qui est dans le décret de la CSMS : c’est la question de l’évaluation des besoins médico-sociaux et les formes d’accompagnement à développer. Il reste un certain nombre de besoins non satisfaits, et il faudrait que la CSMS garde une ligne directrice là-dessus : rester très attentive au développement de toutes les formes d’accompagnements possibles, jusqu’à ce qu’à « chacun selon ses besoins », selon les termes du PRS.

Quels sont vos conseils pour les prochains élus ?

J-B. Caillard : Mieux gérer les liens avec les territoires et les autres commissions. Mais surtout les territoires : l’offre de soins ce n’est pas seulement les établissements. Les établissements c’est statutaire, réglementaire ect… Il va y avoir besoin d’une construction commune pour avoir une vision plus globale, mais surtout plus partagée, avec les usagers aussi. La CRSA c’est très lourd, c’est des univers qu’on ne connaît pas, et il faut le temps de comprendre quel est le rôle et que signifie la présence de chacun au sein de la démocratie sanitaire. Mettre en place une offre de soins adaptée dans chaque territoire c’est du temps long. Donner à chaque professionnel les motivations pour s’installer, pour être au service de la population de manière différente en fonction des possibilités territoriales également. C’est pour ça que les CPTS ne sont pas actuellement encore en lien fort avec les usagers : il faut qu’elles se construisent elles-mêmes, c’est convaincre les professionnels de participer à l’élaboration d’un projet de santé. Il faut avoir du lien avec l’usager, mais il faut que chacun ait posé ses limites, ses besoins, son organisation personnelle, commune… Tout ça se construit. Il y a toute une prise de conscience à prendre avant de pouvoir aborder ça avec les autres.

J. Sellier : Sans doute être plus proactif. L’ARS nous laisse une place, c’est flagrant dans notre commission je trouve. On avait des marges de manœuvre, non exploitées. On en a exploité un certain nombre, mais on aurait pu être encore plus force de proposition, être plus proactif. On s’est autocensuré par manque de temps pour se réunir ensemble (dans la préparation de séances…). Je dirais comme conseil, de la disponibilité, de la transversalité. C’est-à-dire qu’il y ait un président ou présidente qui ait une vision la plus large possible dans le domaine de la santé, et en tout cas dans le champ de la CSMS (personnes âgées, personnes handicapées, précarité…). L’ARS nous accompagne, mais ça nous place aussi dans une situation de dépendance. On aurait besoin d’aller requêter auprès des associations, auprès des usagers… pour faire remonter plus finement une parole. Et pour ça, on aurait besoin de disposer de moyens humain qui nous permettraient de faire nos propres enquêtes, nos propres requêtes. Il manque un temps de travail qui pourrait être mutualisé entre l’ensemble des commissions, ça pourrait être un chargé de mission commun à l’ensemble de la CRSA.

Retour aux actualités